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L'ange et l'oiseleur.

Source: Matthieu 18,19-20


C'est quelque chose de difficile que d'être venu ici. J'ai la tête pleine de choses inutiles et la présence de ces choses me fait souffrir. Le vide est une souffrance, la vie n'y trouve pas d'expression. Le vide, c'est quelque chose qui tourne en rond, qui interdit l'émergence de la créativité. Mon esprit devient un esprit creux dès lors qu'il pense en rond.

Alors pour fuir, je suis allé là où il n'y a rien et où je suis attendu. Dans le vide est ma mort par destruction totale, mais dans ce rien où je vais réside mes potentiels, mes capacités, mon plan.

Cette chose qui tournait en rond, c'était de la musique. Une ritournelle qui prenait toute la place, une espèce de bourdonnement mental semblable à ceux des ruches à la différence qu'il s'agissait là d'une ruche sans objectifs, sans désirs et sans avenir. J'étais comme un noyé en sursit flottant sur l'esquif dérisoire d'une joie minimale.

Alors, puisque la musique est capable d'obséder tout l'esprit, j'ai fait cette prière: j'aimerais écouter le chœur des Anges chanter un 'Avé Maria'. C'est en effet la plus belle musique que je connaisse. Les Anges chantent a cappella, ils sont les instruments de musique. Ils n'émettent pas de sons que l'esprit puisse percevoir puisque l'esprit n'a pas d'oreilles, mais bien plutôt leurs pures essences qui modifient leur environnement. Et leur esquif n'est pas dérisoire: ils sont dans la main de celui qui plane au-dessus des eaux.

Cependant les écouter altère tellement ma nature que je ne puis m'y adonner que quelques secondes. Deux ou trois tout au plus. Alors je me suis dit que peut-être si un seul d'entre eux pouvait chanter peut-être que cela serait moins fort et me permettrait de m'habituer un peu. Mais ils m'ont fait savoir qu'ils ne chantaient pas pour les hommes. Ils prient par celui qui les tient dans sa main.
Je devrais peut-être tenter de me joindre à eux plutôt que d'essayer de percevoir un chant qui n'est pas destiné à mes oreilles. Mais je ne crois pas qu'une âme simple le puisse. Les anges nous regardent un peu comme des sources, assoiffés au mieux de transcendances, mais capables du pire aussi. Ils veillent sur nous si on le souhaite, mais ils ne négocient pas.

Je ne suis qu'un oiseleur qui essaie d'attraper le ciel qui lui fait défaut. Un braconnier d'espérances. La cage de mon âme est ouverte et si elle enfante alors c'est tout un ciel qui naît pour qu'y vivent les oiseaux.

Je n'attrape que le bleu du ciel.

Je me suis assis dans l'herbe, j'ai regardé dans ce grand ciel bleu au-dessus de ma tête et j'ai essayé de laisser mes yeux en absorber autant qu'il leur était possible, jusqu'à ce que mon esprit devienne bleu. Puis j'ai clos mes paupières et j'ai attendu que ce bleu disparaisse. Lorsque j'ai été dans la nuit du ciel, mon attention s'est tendue comme une oreille pour écouter les anges et j'ai senti qu'ils étaient là. Mais à dire vrai, c'était facile: ils sont partout, n'occupant pas d'espace.
Ils étaient peut-être silencieux, ou bien mon esprit était devenu sourd, mais je ne les ai pas entendus.
Alors je n'ai pas chanté, mais je me suis souvenu du chant de l'Avé Maria tel que je l'écoutais. Et le souvenir de cette écoute s'est étendu dans mon esprit, puis à un instant, cette réminiscence l'a épousé. Alors j'ai été tout ce chant.

Seigneur, regarde comme cette émotion pour ta Mère est capable de mettre ton ciel dans mon âme.
C'est tellement incroyable de participer à toute cette beauté.
Puisse cette magnificence que tu permets en moi t'honorer afin que, comme tu l'as souhaité, ton Père soit glorifié en Toi.